LA ROSEE...

LA ROSEE

La rosée n’est pas du gel. Plus fragile, transparente, elle fleurit les près non pas en hiver, mais au printemps ou en automne, parfois même au début de l’été.

Elle accompagne le plus souvent un changement de saison.

Elle nait au matin, un peu avant le jour, ou le soir, à la tombée de la nuit, quand la température fraichit brutalement.

Elle mouille les pieds, mêlant douceur et fraîcheur sans jamais provoquer une sensation de froid véritable.

Je me souviens souvent des petits matins de juin, quand je portais des sandalettes en cuir qui laissaient découverts mes chevilles et mes orteils. Elles fermaient au moyen d’une pointe qui pénétrait dans l’un des trous d’une languette maintenue par une boucle rectangulaire qui, souvent, meurtrissait la peau. Elles sonnaient aux enfants une impression de liberté qui s’ajoutait à celle des grandes vacances. Pressés de travailler avant la grosse chaleur, mes grands parents partaient vers les près alors que les coqs s’égosillaient. Munis de râteaux aux fines dents de bois, nous écartions le foin coupé la veille afin que l’herbe pût sécher rapidement sous le soleil qui, là-bas, à l’est, dessinait une grande lune rouge. Froide d’abord, la rosée ne résistait pas aux premiers rayons, qui la faisait fondre en moins d’une heure. Le matin sonnait clair, le monde me paraissait neuf et propre. J’avais l’impression de vivre dans un univers lavé de l’homme, ou rien ni personne ne serait plus comme avant, un univers ou tout était possible.

« Les Vrais Bonheurs » de Christian SIGNOL

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